Chapitres
- 01. Introduction
- 02. L'art de l'histoire
Introduction
« Ainsi que Schiller l'écrit dans ses Lettres sur l'esthétique, il y a un art de la passion mais il ne peut y avoir d'"art passionné". Cette conception des passions s'applique aussi à l'histoire. L'historien ignorant le monde des passions- des ambitions politiques, du fanatisme religieux et des conflits économiques et sociaux- nous donnerait une analyse très aride des évènements historiques. Mais s'il revendique quelque droit à la vérité historique, il ne saurait demeurer lui-même en ce monde. Il doit donner une forme théorique à tout ce matériau que constituent les passions, et cette forme, comme la forme de l'œuvre d'art, n'est pas le produit ou le résultat de la passion. L'histoire est une histoire de passions; mais si l'histoire elle-même se veut passionnée, elle cesse d'être histoire. L'historien ne doit pas manifester les affections, les emportements et les folies qu'il décrit. Sa sympathie est intellectuelle et d'imagination, non émotionnelle. Le style personnel que nous sentons à chaque ligne écrite par un grand historien n'est pas un style émotionnel ou rhétorique. La rhétorique peut avoir nombre de mérites; elle peut toucher et enchanter le lecteur. Mais elle manque l'essentiel: elle ne peut nous mener à l'institution et au jugement libre et impartial des choses et des événements.
L'art de l'histoire
Si nous gardons en mémoire ce caractère de la connaissance historique, il est facile de distinguer l'objectivité historique de la forme d'objectivité que visent les sciences de la nature. Un grand savant, Max Planck (2) définissait l'ensemble de la méthode scientifique comme un effort constant pour éliminer tous les éléments 'anthropologiques’. Nous devons oublier l’homme afin d’étudier la nature, afin d’en découvrir et d’en formuler les lois. Dans le développement de la pensée scientifique, l’élément anthropomorphique est progressivement relégué à l’arrière-plan jusqu’à disparaître complètement de la structure idéale de la physique. L’histoire procède d’une toute autre manière. Elle ne peut vivre et s’animer que dans le monde humain. L’histoire, comme le langage et l’art, est fondamentalement anthropomorphique. Effacer ses aspects humains serait détruire son caractère propre et sa nature. Mais l’anthropomorphisme de la pensée historique ne limite ni n’entrave sa vérité objective. L’histoire n’est pas la connaissance de soi. Pour me connaître moi-même, je ne peux tenter d’aller plus loin que moi-même et sauter, pour ainsi dire par-dessus mon ombre. Je dois choisir la méthode d’approche opposée. L’homme, en histoire, retourne constamment à lui-même ; il essaie de se rappeler et de faire revivre l’ensemble de son expérience passée. Mais le moi historique n’est pas un simple moi individuel. Il est anthropomorphique mais non pas égocentrique. Nous pouvons dire, de façon paradoxale, que l’histoire recherche un « anthropomorphisme objectif ». En nous faisant connaître le polymorphisme de l’existence humaine, elle nous libère des fantaisies et des préjugés d’un moment unique et particulier. Me but de la connaissance humaine est d’enrichir, d’élargir et non pas d’effacer le moi, notre ego connaissant et sentant ».
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