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C'est parti

Le poème commenté

El Desdichado 

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

 

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

 

Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…

 

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Gérard de Nerval, Les Chimères, 1854

Qui est Gérard de Nerval ?
Gérard de Nerval (1808-1855)

Méthode du commentaire composé en poésie

Avant la lecture

Il faut étudier le paratexte, c'est-à-dire le titre, l'auteur, la date, etc. Ces informations doivent être recoupées avec vos connaissances émanant du cours (courant littéraire, poète, recueil, etc.).

Le titre engage également à des attentes. Il donne des indices sur la nature du poème que le lecteur s'apprête à lire.

En poésie, la forme est décisive : regarder le texte « de loin » permet d'avoir déjà une idée de la démarche du poète :

  • Vers, strophes ?
  • Si vers : vers réguliers, vers libres ?
  • Si vers réguliers : quel type de rimes ?
  • Le nombre de strophes...

Pour la lecture

Nous vous conseillons de lire le poème plusieurs fois, avec un stylo à la main qui vous permettra de noter ou souligner une découverte, une idée.

1ère lecture :

  • Identifier le thème général du poème,
  • Identifier le registre : comique ? pathétique ? lyrique ? etc.,
  • Identifier les procédés d'écriture pour diffuser le sentiment du registre choisi : l'exclamation ? La diérèse ? etc.

2ème lecture :

  • Dégager le champ lexical,
  • Place des mots : un mot au début du vers n'a pas la même valeur qu'un mot placé en fin de vers,
  • Déceler les figures de style (généralement très nombreuses dans un poème),
  • Travail sur les rimes : lien entre des mots qui riment, rimes riches ou faibles, etc.,
  • Analyse du rythme avec les règles de métriques.

En filigrane, vous devez garder cette question en tête pour l'analyse des procédés d'écriture : comment le poète diffuse-t-il son thème général et comment fait-il ressentir au lecteur ses émotions ?

Rédaction du commentaire

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le poète dans l'histoire de la littérature
- Présenter et situer le poème dans le recueil
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation poème dans le recueil (début ? Milieu ? Fin ? Quelle partie du recueil ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement- Expliquer le poème le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, rimes, métrique, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit contenir des deux
- Suivre le déroulement du poème, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec un autre poème, un autre poète ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

Le commentaire composé du poème

Introduction

En 1854, Gérard de Nerval ajoute une douzaine de poèmes comme appendice à son recueil de nouvelles Les Filles du feu. Cet ajout sera publié sous le titre Les Chimères, nom qui désigne dans la mythologie grecque un monstre ayant le corps d’une chèvre, une tête de lion et une queue de dragon, et qui dévore les hommes passant à sa portée.

Par ce titre, c’est donc une vision torturée de l’Homme que veut renvoyer le poète, dans la parfaite lignée du courant romantique, dont il est l’un des tenants. Il exalte un « moi » divisé, autant mélancolique que passionné. Le poète recherche son identité à travers le souvenir d’amours déçues, et c’est la poésie qui doit l’aider dans sa quête.

Annonce de la problématique

Dès lors, en quoi le poème El Desdichado se pose-t-il comme une quête d’identité ?

Annonce des axes

Nous verrons dans un premier temps comment le poète fait le diagnostic d’une indentité fragmentée. Il faudra ensuite montrer que c’est par le langage poétique qu’il tente de conjurer cette fatalité.

Quelle est l'image de Paris donnée par Boileau ?
John Martin, Le Pandemonium, inspiré de Paradise Lost, de John Milton (musée du Louvre à Paris), 1841

Développement

Identité fragmentée

L'identité fragmentée du poète prend sa source dans la mélancolie qu'il ressent. Celle-ci l'oblige à partir à la recherche d'une nouvelle définition identitaire, qui ne trouve son salut que dans l'idée de multiplicité.

La mélancolie du poète

Il y a une tonalité explicitement mélancolique qui traverse le poème. Le champ lexical dominant le prouve, notamment dans les deux quatrains : « veuf », « inconsolé », « abolie », « morte », « Mélancolie », « consolé », « désolé ». Ces mots traduisent le désespoir vis-à-vis d’un passé disparu (c’est-à-dire aboli et désormais mort). Ce désespoir est renforcé par les couleurs dominantes, couleurs du deuil et du sang : « Ténébreux », « noir », « rose » et « rouge ».

De fait, d’un point de vue biographique, Nerval a connu le décès de celle qu’il aimait, l’actrice Jenny Colon, en 1842 – actrice qui peut facilement s’assimiler à une « Étoile » (star, en anglais), celle-là même qui est « morte ». Par ailleurs, cette divinisation de la femme aimée s’inscrit pleinement dans la tradition romantique.

C’est bien cette tristesse infinie qui ouvre le poème : l’alexandrin est composé de trois définitions identitaires du poète, soit la manière dont il se décrit lui-même, avec des majuscules, ce qui équivaut à personnifier son statut. Il se fait la personnification de trois états incomplets : « Ténébreux », « Veuf » et « Inconsolé ». On remarquera que le groupe nominal « le Veuf » vient casser le rythme de ce vers : six pieds, deux pieds, quatre pieds.

Le poète est, comme ce vers, brisé en son milieu.

La quête d’une définition identitaire

Puisqu’il est brisé en son sein, le poète cherche à se récupérer lui-même. En effet, la question littéralement centrale, qui intervient au milieu du sonnet, c’est : « Suis-je », tandis qu’il s’ouvrait avec une affirmation « Je suis », suivie de définitions fragmentées, comme nous venons de le voir.

Le titre du poème fait sentir cette hésitation : Nerval utilise l’espagnol, comme si le français ne lui offrait rien de satisfaisant. Il en résulte, pour le lecteur, une impression énigmatique, qui renvoie à l’énigme qu’est le poète pour lui-même.

Les tirets du premier vers et du troisième vers sont en outre des marqueurs du dialogue, comme pour figurer une conversation que le poète entretient avec lui-même, à la recherche de qui il est. Nerval est peuplé de multiples voix, qu’il n’arrive pas, semble-t-il, à unifier. Le « je » n’est qu’un artifice, puisqu’il semble plutôt être multiple. D’ailleurs, ce « Je suis » est bien suivi par trois termes, et non pas un seul.

Le dernier vers du premier tercet fait voir un oxymore (figure de style qui consiste à allier deux mots de sens contradictoire), comme une image du poète lui-même. Cette réunion impossible des contraires est encore accentuée par ce qui suit la formule interrogative « Suis-je » : c’est la conjonction de coordination « ou » qui s’immisce entre « Amour » et Phébus », entre « Lusignan » et « Biron ». De même, les contrastes prédominent dans l’opposition entre ombre et lumière :

  • « le Ténébreux », « le soleil noir », « la nuit du tombeau », « la grotte »
  • « Étoile », « fleur », « Rose »

Le poète est sans solution face à cette question qui le tourmente : il ne sait que faire l’hypothèse d’un moi multiple.

Comment se finit la pièce Le Mariage de Figaro ?
Pierre Paul Rubens, La Fête de Vénus, 1636
La multiplicité du moi

Avec le chaos qui règne dans sa tête (figuré par les enjambements entre les vers 3 et 4 et les vers 13 et 14), Nerval semble de fait vouloir investir plusieurs identités en même temps :

  • « Le Prince d’Aquitaine » fait référence à Édouard Plantagenet (1330-1376), que l’on surnommait « le Prince Noir », et qui était à la fois Prince de Galles et Prince d’Aquitaine – une identité multiple, donc.
  • « Lusignan » et « Biron » renvoient à des familles nobles du Moyen-Âge, ardentes défenseuses du christianisme
  • « Amour » et « Phébus » désignent respectivement Aphrodite et Apollon, soit deux divinités du monde romain, en contradiction avec les références chrétiennes qui suivent

Et, surtout, Nerval semble s’identifier au Christ, en plusieurs endroits :

  • La trinité qui ouvre le poème renvoie manifestement à la Trinité chrétienne
  • « Le front rouge » comme les « soupirs de la Sainte » sont des épisodes de la crucifixion de Jésus-Christ

Dans le même temps, le dernier vers se finit dans une référence à Mélusine (« les cris de la Fée »), et donc une nouvelle référence païenne.

Nerval semble donc, dans sa recherche identitaire, se poser comme un principe de réunion entre monde chrétien et monde païen. Il n’est plus un simple poète, mais une sorte de Messie dont la parole est sacrée.

Transition

En faisant référence à Orphée, il se pose bel et bien comme le poète qui fait le lien entre deux mondes, grâce à son chant lyrique.

Nouvelle langue poétique, nouveau moi prophétique

Nerval se sert de son héritage poétique pour mieux le dépasser. Ce faisant, il se pose comme un Orphée des temps modernes et porte l'espoir d'une langue unificatrice.

L’héritage poétique

Le terme d’« el Desdichado » est empruné au Ivanhoé de Walter Scott (1819), dans lequel il est question d’un « mystérieux chevalier, dépossédé de son fief par Jean sans Terre, parait au tournoi. Il n’avait sur son bouclier d’autres armoiries qu’un jeune chêne déraciné, et sa devise était le mon espagnol Desdichado, c'est-à-dire Déshérité ».

Pourtant, les multiples références à la culture gréco-latine prouvent au contraire qu’il est d’abord un héritier. Outre les divinités, il y a des lieux – c’est-à-dire des ancrages terrestres, des repères géographiques – qui sont cités :

  • « Pausilippe »
  • « mer d’Italie »
  • « la treille »
  • « la Grotte »

Ces lieux rappellent Les Géorgiques, du poète latin Virgile, et renvoient en même temps à des voyages de Nerval lui-même. C’est donc qu’il tente de trouver son identité dans cette identification terrestre.

C’est en outre un sonnet réalisé dans la plus pure tradition européenne :

  • Deux quatrains et deux tercets
  • Rimes croisées des deux quatrains (ABAB)
  • Rimes conformes pour les deux tercets (CDD CAA)

Mais il est néanmoins comme Orphée, c’est-à-dire « Veuf » : il doit, par son chant, espérer retrouver sa moitié, espérer se retrouver lui-même. Il exige bien que l’on lui rende « le Pausilippe et la mer d’Italie », que l’on lui rende son héritage.

Un nouvel Orphée

Nerval, tel Orphée, va chercher lui-même ce qu’on lui a pris.

Orphée, dans la mythologie grecque, est un poète et un musicien qui joue de la lyre, et qui sait enchanter la nature elle-même par son chant. Malheureusement, Eurydice, sa bien-aimée meurt. Inconsolable, il décidera d’aller la chercher aux Enfers, mais échouera. Il passera le restant de ses jours à chanter son désespoir et son amour perdu.

Comment se termine le mythe d'Orphée et d'Eurydice ?
Orphée tentant de sauver Eurydice des Enfers, tableau de 1862 par Edward John Poynter

Or, le parallèle entre les deux personnages est frappant dans le poème :

  • Nerval pleure la disparition de sa bien-aimée, Jenny Colon, sa « seule Étoile »
  • Nerval traverse, comme Orphée, l’Achéron, c’est-à-dire le fleuve qui sépare le monde des vivants et les Enfers ; Nerval fait ici référence à ses deux violentes crises de folie, en 1851 et 1853
  • Nerval transforme, comme Orphée, sa douleur en un magnifique chant poétique, comme le signifie le chant lexical de la musique : « luth », « modulant », « lyre », « Phébus » (dieu de la musique), « Orphée », ou bien les nombreuses allitérations qui musicalisent le poème (en [m], en [s], en [ou] et en [on]

C’est que Nerval est en train d’imposer un nouveau langage poétique, qu’il espère fécond, c’est-à-dire divin.

Une langue universelle

Dépassant l’héritage classique, Nerval invente sa propre poésie, qui lui permet de sublimer sa douleur.

On trouve d’abord deux anacoluthes (« Rupture de la construction syntaxique intervenant en cours de phrase, de telle manière que, sans qu'il y ait rupture du lien logique, la fin de la phrase n'est plus grammaticalement en harmonie avec son début », CNRTL) :

  • « Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie »
  • « Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron »

Les nombreuses majuscules que l’on trouve au début de noms communs sont en outre inconnus de la langue française. Elles rappellent plutôt la langue allemande. Comme avec son titre en espagnol, cela traduit la volonté du poète de dépasser les frontières linguistiques et de créer un langage universel.

« La Tour Abolie » serait ainsi la « Tour de Babel », détruite par Dieu, mais symbole ultime du langage commun qui unissait jadis tous les Hommes. Nerval s’imagine comme le nouveau Messie, qui apporte une parole compréhensible par tous – sa poésie.

C’est par elle que l’auteur se réconcilie avec lui-même, conformément à la dynamique du poème lui-même, qui fonctionne comme la métaphore de toute sa poésie :

  • Vers 1 : affirmation (« Je suis »)
  • Vers 9 : remise en question (« Suis-je »)
  • Vers 12 : redécouverte de soi-même (« Et j’ai deux fois vainqueur », où « vainqueur » souligne l’idée positive)

Conclusion

Dans ce sonnet, Nerval pleure la mort de son grand amour. Il tente alors de trouver du réconfort dans une poésie mélangeant l’onirisme et la réalité. Il puise au plus profond des ténèbres afin d’obtenir une consolation satisfaisante.

Finalement, il emprunte le même chemin qu’Orphée en se jetant dans les ténèbres afin de récupérer son amour. Il conjure la noirceur de sa tristesse par la beauté de sa poésie.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.