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C'est parti

Le poème

LA VIE ANTERIEURE

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques

Que les soleils marins teignaient de mille feux

Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,

Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

 

Les houles, en roulant les images des cieux,

Mêlaient d'une façon solennelle et mystique

Les tout-puissants accords de leur riche musique

Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

 

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,

Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs

Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

 

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,

Et dont l'unique soin était d'approfondir

Le secret douloureux qui me faisait languir.

Qui est l'auteur du poème La Mort des Pauvres ?
Gravure de Charles Baudelaire par Courbet 1848

Méthode du commentaire composé en poésie

Avant la lecture

Il faut étudier le paratexte, c'est-à-dire le titre, l'auteur, la date, etc. Ces informations doivent être recoupées avec vos connaissances émanant du cours (courant littéraire, poète, recueil, etc.).

Le titre engage également vers des attentes. Il donne des indices sur la nature du poème que le lecteur s'apprête à lire.

En poésie, la forme est décisive : regarder le texte « de loin » permet d'avoir déjà une idée de la démarche du poète :

  • Vers, strophes ?
  • Si vers : vers réguliers, vers libres ?
  • Si vers réguliers : quel type de rimes ?
  • Le nombre de strophes...

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Pour la lecture

Nous vous conseillons de lire le poème plusieurs fois, avec un stylo à la main qui vous permettra de noter ou souligner une découverte, une idée.

1ère lecture :

  • Identifier le thème général du poème,
  • Identifier le registre : comique ? pathétique ? lyrique ? etc.,
  • Identifier les procédés d'écriture pour diffuser le sentiment du registre choisi : l'exclamation ? La diérèse ? etc.

2ème lecture :

  • Dégager le champ lexical,
  • Place des mots : un mot au début du vers n'a pas la même valeur qu'un mot placé en fin de vers,
  • Déceler les figures de style (généralement très nombreuses dans un poème),
  • Travail sur les rimes : lien entre des mots qui riment, rimes riches ou faibles, etc.,
  • Analyse du rythme avec les règles de métriques.

En filigrane, vous devez garder cette question en tête pour l'analyse des procédés d'écriture : comment le poète diffuse-t-il son thème général et comment fait-il ressentir au lecteur ses émotions ?

Rédaction du commentaire

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le poète dans l'histoire de la littérature
- Présenter et situer le poème dans le recueil
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation poème dans le recueil (début ? Milieu ? Fin ? Quelle partie du recueil ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement- Expliquer le poème le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, rimes, métrique, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit contenir des deux
- Suivre le déroulement du poème, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec un autre poème, un autre poète ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Commentaire composé

Introduction

Rédigé en 1857 par Baudelaire Charles, La vie antérieure est le douzième (XII) poème du recueil « Les Fleurs du Mal ». Ce sonnet composé de quatorze vers en alexandrins, se situe dans la première partie, « Spleen et Idéal ». Poème lyrique, il est basé sur une opposition entre l'idéal baudelairien et l'omniprésence du spleen (= Mélancolie sans cause apparente, caractérisée par le dégoût de toute chose), ce qui explique par ailleurs le titre de la section dont il est issu.

L'écrivain a probablement puisé son inspiration d'un long voyage forcé à destination des Indes. Ce sont vraisemblablement ces paysages exotiques d'une rare beauté qui lui ont permis de communiquer son mal de vivre sans pour autant négliger le côté esthétique. Ainsi le lecteur est amené à se demander si la dimension onirique et réelle de l'idéal développé est la bonne solution afin d'échapper au spleen quotidien.

Problématique

De fait, comment Baudelaire expose-t-il sa vision de l'Idéal ?

Annonce du plan

C'est à cette fin que nous analyserons en premier lieu les éléments exotiques qui répondent à la vision paradisiaque du poète ; nous étudierons ensuite l'harmonie régnant à travers le style et le contenu ; enfin, il s'agira d'expliquer l'éclosion fatale du spleen.

Développement

Projection onirique basée sur le souvenir d'un milieu exotique

Dans ce poème Baudelaire utilise de nombreuses allusions exotiques. Il convient de faire le lien avec un autre poème du recueil, intitulé « L'invitation au voyage » :

Mon enfant, ma sœur,

Songe à la douceur

D’aller là-bas vivre ensemble !

Aimer à loisir,

Aimer et mourir

Au pays qui te ressemble !

Les soleils mouillés

De ces ciels brouillés

Pour mon esprit ont les charmes

Si mystérieux

De tes traîtres yeux,

Brillant à travers leurs larmes.

 

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

 

Des meubles luisants,

Polis par les ans,

Décoreraient notre chambre ;

Les plus rares fleurs

Mêlant leurs odeurs

Aux vagues senteurs de l’ambre,

Les riches plafonds,

Les miroirs profonds,

La splendeur orientale,

Tout y parlerait

À l’âme en secret

Sa douce langue natale.

 

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

 

Vois sur ces canaux

Dormir ces vaisseaux

Dont l’humeur est vagabonde ;

C’est pour assouvir

Ton moindre désir

Qu’ils viennent du bout du monde.

– Les soleils couchants

Revêtent les champs,

Les canaux, la ville entière,

D’hyacinthe et d’or ;

Le monde s’endort

Dans une chaude lumière.

 

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

On retrouve le même idéal d'exotisme, essentialisé par ces trois mots répétés : « Luxe, calme et volupté. » ; on retrouve ces mêmes termes au vers 9 associés dans un groupe nominal : « les voluptés calmes ».

Mais se trouvent également en commun « les soleils » (vers 2), « couchants » a fortiori comme ce dont les couleurs du vers 8 viennent. Il y a également cette « odeur », au pluriel dans notre poème (vers 11), au singulier dans L'invitation, qui semble si particulièrement envoûtante.

Il est donc suffisamment clair que l'Eden rêvé – ou vécu, plutôt, dans une « vie antérieure » – se nourrit de l'exotisme insulaire, près d'une plage baignée par le soleil. Cet Eden semble en outre indissociable du calme, en opposition avec le bruit de la modernité et de la ville.

A quel paradis Charles Baudelaire rêve-t-il ?
Femmes de Tahiti, ou Sur la plage, Paul Gauguin, 1891

C'est ainsi que les « soleils marins » (vers 2) renvoient automatiquement à une région chaude issue du sud : il y a les idées de la chaleur et du large.

Il en est de même pour les « couleurs du couchant » (vers 8) qui renvoient au scintillement de « mille feux » (vers 2). En effet, les régions tropicales bénéficient souvent d'un climat clément où le soleil brillant de partout effleure délicatement la peau de l'être humain. La vie y est douce, tel est le message que Baudelaire veut nous transmettre.

Outre le champ sémantique de la chaleur et de l'eau, nous retrouvons une dominance de couleurs plaisantes comme « l'azur » (vers 10), symbolisant la fraîcheur et la pureté, ou bien encore la couleur rougeâtre du coucher de soleil, reflétant la chaleur accueillante, la force vitale, la joie de vivre et l'optimisme.

La nature déploie ici ce qu'elle a de plus beau. Afin de peindre parfaitement ce décor lointain et étranger, le poète insère des éléments typiquement tropicaux comme la « palme » (vers 12), ce qui souligne leur aspect protecteur, et les esclaves nus (vers 11), symbole par excellence de l'exotisme.

Si on se focalise sur ces derniers, l'adjectif « nu » témoigne d'au moins deux choses :

  • Etre nu est un acte très courageux étant donné que l'être humain s'expose ainsi au regard des autres individus
  • La nudité vient souligner le caractère pur et innocent de la scène

Un lieu où l'homme n'a pas besoin de se cacher derrière une façade (ici, le vêtement) implique une tolérance et l'acceptation de toute personne.

On note par ailleurs la position particulière en rejet externe du groupe « des esclaves nus » qui a pour conséquence une mise en valeur du substantif.

En outre, la césure (marquée par la virgule), étant placée juste après l'adjectif « nus » (vers 11), le lecteur se concentre sur le premier hémistiche sans pour autant oublier la seconde partie du vers. En effet, l'odorat ne fait qu'accentuer la pureté des esclaves puisque ces derniers sont « tout imprégnés d'odeurs". L'auteur nous dit : ici, nul n'a besoin de parfum pour cacher son odeur corporelle personnelle.

Cet univers lointain est ainsi propice à l'exaltation du poète qui se sent entièrement à son aise. Il s'intègre au décor et jouit des douces couleurs rougeâtres du soleil « reflétés par [ses] yeux » (vers 8). On sent que s'effectue à ce moment une osmose totale entre le fabuleux environnement et le poète en quête de bonheur. Il y trouve un refuge apaisant, ce dont témoignent « les voluptés calmes » (vers 9).

Le renforcement de la quiétude s'effectue avec l'ajout de l'adjectif « calme » : une volupté est déjà une impression extrêmement agréable, donnée aux sens par des objets concrets, des biens matériels, des phénomènes physiques, et que l'on se plaît à goûter tranquillement dans toute sa plénitude. Ainsi nous voyons bien l'importance que Baudelaire attache à ce monde pacifique, par cette emphase du « calme ».

La division du premier hémistiche du vers 10 en deux parties égales trisyllabique souligne la situation du poète « au milieu » de ce décor : il est le centre de ce monde pacifique, entre la mer, le ciel et les esclaves. La synergie est donc complète.

Cet exotisme évoqué ne fait qu'amplifier la perfection liée à l'agencement symétrique des éléments. Pour Baudelaire l'excellence passe inévitablement par :

L'ordre et l'harmonie, reflet d'un idéal

Baudelaire puise son énergie dans l'harmonie et l'ordre, deux notions dominantes dans ce poème. En se référant à l'époque antique, le poète insère dans le premier quatrain le champ sémantique de l'ampleur : : « mille feux » (vers 2), « grands » vers 3, « majestueux » vers 3, « cieux » au vers 5, « tout-puissants » vers 7, « riche » vers 7,  « splendeurs » vers 10.

S'ajoutent à cet aspect les anciens monuments gréco-romains tels que « les portiques » (vers 2) et les « piliers » (vers 1). Nous savons que ces deux civilisations cultivaient le goût de la symétrie, de la simplicité architecturale, et de l'esthétisme. En conséquence, le lecteur peut s'imaginer un lieu dominé par des arcs, des galeries et de grandes colonnes « droits et majestueuses » (vers 3), tous harmonieusement disposés de façon symétrique.

Nul doute que Baudelaire cultivait un penchant pour l'art et pour l'architecture (voir Robert Kopp dans Le soleil noir de la modernité). D'un point de vue rythmique, hormis l'euphonie citée au vers 7 (« les tous puissants accords de leur riche musique »), nous constatons que le premier vers ainsi que le septième vers sont d'une régularité irréprochable. Les quatre mesures trisyllabiques ainsi que l'allitération en « t » (vers 1) en témoignent largement.

La concorde parfaite des éléments n'est possible que si l'auteur respecte un bon équilibre. Nous sommes ainsi attentifs aux nombreux jeux de lumière présents dans le poème. D'une part, nous avons la clarté et d'autre part, l'obscurité qui occupent le plan de la scène.

En effet, le reflet aquatique du soleil illumine de « mille feux » (vers 2) les monuments antiques. Cette luminosité est démesurée, d'où l'emploi de l'adjectif numéral « mille », contraste avec l'obscurité des « grottes basaltiques » et du « soir » (vers 4). Il faut savoir que le basalte est une roche volcanique noire issue d'un magma refroidi rapidement au contact de l'eau ou de l'air.

Le quatrième vers opposé au reste de la première strophe constitue par conséquent une antithèse, étant donné qu'il établit une opposition entre deux idées dont l'une met l'autre en relief. Ici, il s'agit de la lumière et de l'obscurité symbolisant l'équilibre.

Aussi les sombres sonorités (« soir », « grottes », « basaltiques ») de ce dernier vers ont-elles pour mission de s'opposer aux sons clairs (« habité », « portiques », « teignaient », « mille », « piliers »).

Désormais, il nous est possible de faire un rapprochement avec le Jardin d'Éden, qui selon le christianisme est un endroit parfait. Le « paradis » est associé au monde des « bénis » ainsi qu'à la lumière divine. Il s'oppose à l'enfer qui est le monde obscur des « maudits ou damnés ».

Que conte La Vie Antérieure de Baudelaire ?
Expulsion from the Garden of Eden, Thomal Cole, 1828

Le décor décrit par Baudelaire présente donc deux aspects opposés qui établissent un équilibre. Ce qui frappe davantage le lecteur est le brassage osé des influences religieuses. Dans bien des mythologies antiques, la grotte, représentant le ventre maternel, est le lieu de naissance de nombreuses divinités. Cette allusion hérétique ne concorde pas avec la mélodie divine renvoyant au christianisme. Les religions sont donc également rassemblées harmonieusement, créant un paradis universel.

Les vagues qui se roulent fusionnent avec « les cieux » (vers 5) de sorte que les sons issus des flots adoptent un caractère religieux. L'impression est d'autant plus forte grâce aux adjectifs « solennelle », « mystique » (vers 6) et « tout-puissants » (vers 7) qui reflètent l'arrangement harmonieux des accords. La mélodie est ainsi parfaite et elle concorde avec le rythme régulier du sixième vers. Ce dernier est divisé en quatre mesures trisyllabiques de sorte que la fluidité, accentuée par les liquides en « l », recrée cette symphonie.

Cette impression de fusion est encore accentuée par la synesthésie à l'œuvre : tous les sens se confondent. L'idéal de Baudelaire est ainsi un univers où toutes les sensations se développent jusqu'à fusionner à l'intérieur du poète :

  • Sensations visuelles (la vue) : « soleils » au vers 2, « teignaient » au vers 2, « couleurs » au vers 8, « mes yeux » au vers 8
  • Sensations olfactives (l'odorat) : « odeurs » au vers 11
  • Sensations auditives (l'ouïe) : « riche musique » au vers 7
  • Sensations tactiles (le toucher) : « me rafraîchissaient » au vers 12

Néanmoins, la félicité ne peut exister que par rapport au malheur. L'une et l'autre, bien que foncièrement différentes, se complètent. Derrière ce paysage pur se cache donc aussi une face obscure :

Le spleen – Retour brutal à la réalité

Le titre La vie antérieure nous annonce dès le début une partie de la thématique du poème. Baudelaire croit en la métempsycose, c'est-à-dire le déplacement de l'âme dans des corps différents. Une même âme peut animer successivement plusieurs corps humains, d'où l'étroite relation entretenue avec la réincarnation.

L'âme de l'auteur semble donc avoir vécue différentes vies, dont elle a gardées quelques vagues souvenirs. C'est à cette fin que nous relevons l'emploi du passé composé dans le premier vers « j'ai longtemps habité » ainsi que dans le neuvième vers « c'est là que j'ai vécu ». Ce temps du passé, ainsi que l'adverbe locatif « là », démontre bien qu'il s'agit en partie d'un souvenir véridique.

En outre, nous relevons aussi l'emploi de l'imparfait au deuxième, sixième et douzième vers (« mêlaient », « teignaient » et « rafraîchissaient ») qui traduit d'une part l'habitude, mais aussi l'action dans le passé. Au cours des six cents premières années de notre ère, la réincarnation était une notion admise par le Christianisme.

Sans déduire la position de l'écrivain sur ce thème, il existe une certitude : ce dédoublement de la personnalité permet à Baudelaire d'accéder à une sphère idyllique dans laquelle il se sent protégé et compris en l'intégrant complètement.

Les deux quatrains basés sur l'alexandrin présentent tous une isométrie, aussi bien du point de vue interne qu'externe. La césure se situe toujours après la sixième syllabe et les rimes sont embrassées. Nous remarquons bien que rien ne vient jusqu'ici troubler ce paradis exotique.

C'est l'analyse des deux tercets qui vient perturber cette harmonie comme en témoigne le premier hémistiche du neuvième vers : « C'est là que j'ai vécu ». Baudelaire semble regretter ce temps révolu pendant lequel il baignait dans « les voluptés » (vers 9).

Au début du second tercet, le poète souffre de la chaleur, ce qui peut avoir deux origines différentes : la première attesterait de la situation exotique du lieu, la seconde puise son énergie dans le malaise et la maladie.

Nous pouvons envisager le fait que l'auteur soit fiévreux, signe qu'il prend conscience du caractère éphémère de ce souvenir. La focalisation sur les rimes des deux tercets montre que l'équilibre est brisé. En effet, l'alternance des rimes est incorrecte car en temps normal, la règle exige que la rime des deux tercets soit composée de deux plates et de quatre croisées.

Dans La vie antérieure, Baudelaire fait expressément le contraire, glissant ainsi délicatement vers un « secret douloureux » qui le fait « languir » (vers 14). Cette langueur, par ailleurs, transparaissait dans tout le poème grâce à deux allitérations :

  • /s/ : « sous » et « vastes » au vers 1, « soleils » au vers 2, « soir » au vers 4, « cieux » au vers 5, « façon » et « solennelle » au vers 6, « tout-puissants » au vers 7, « splendeurs » au vers 10, « esclaves » au vers 11, « rafraîchissaient » au vers 12, « soin » au vers 13, « secret » au vers 14
  • /v/ : « vécu » et « voluptés » au vers 9, « vagues » au vers 10, « esclaves » au vers 11

Dans cet univers parfait, le poète se sent épris d'une tristesse profonde dont l'origine est un mystère pénible. Nul doute qu'il s'agit du spleen faisant surface lorsque l'écrivain prend connaissance de l'irréalité de ce monde en marge de la société.

Tout comme Adam et Ève dans le Jardin de l'Eden, Baudelaire est déchu de son statut d'heureux. Le spleen omniprésent dans le quotidien vient menacer le bonheur éphémère du poète, car ce songe, fuite provisoire de la réalité, s'estompe au fur et à mesure du temps.

Il nous est par conséquent possible d'opposer la constance du spleen avec le caractère bref et fortuit du bien-être. Il est impossible pour le poète incompris d'échapper à la société contemporaine.

La dimension onirique, cette projection de soi, est un état de conscience qui situe l'individu en dehors des repères habituels de la vie éveillée. Par conséquent, il est inévitable de se heurter tôt ou tard à la réalité brutale.

C'est justement cette prise de conscience douloureuse qui est symbolisée par la rime suffisante en « ir ». En effet, le son aigu de la lettre « i », est un cri de désespoir qui traduit la souffrance de l'auteur. L'idéal baudelairien est finalement entièrement rompu.

Conclusion

Nous voyons donc bien que l'idéal baudelairien passe par la beauté des paysages, mais aussi par l'harmonie de l'agencement des éléments. La pureté règne en maître dans ce tableau qui néanmoins cache une terrifiante constatation.

Certes, le poète s'identifie entièrement à cette scène, mais la fin de La vie antérieure n'est qu'une chute brutale vers la déception et le spleen. La métempsycose liée à la dimension onirique ne fait que répondre aux aspirations romantiques du XIX siècle. Elle semble être un remède parfait au spleen, mais malheureusement sa dimension éphémère ne fait qu'apporter la souffrance et l'angoisse.

Quand fut publié Les Fleurs du mal ?
Une édition de 1869 des Fleurs du mal, par Charles Baudelaire

Ouverture

Il pourrait alors devenir judicieux d'interroger la présence (ou l'absence) du spleen dans deux poèmes liés à celui-ci, pour les notions qu'ils abordent : L'invitation au voyage et Correspondances.

 

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.